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Libération
Critique

Courrier des lecteurs

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Une étude sociale à partir des lettres reçues par Balzac, Eugène Sue et les autres.
publié le 22 juin 2006 à 21h31

Des années 1830, il reste surtout le roman : Balzac, Sand, Stendhal, Sue, dont l'imaginaire semble modeler notre perception de ce temps. Cette «puissance du roman» ne tient pas seulement à la qualité de ces oeuvres, elle procède surtout du statut et du rôle que les contemporains attribuèrent à la littérature romanesque. Car les livres, explique Judith Lyon-Caen, existent aussi et peut-être d'abord par leurs lecteurs. A partir d'une analyse minutieuse du discours critique qui les accompagna et de l'abondant courrier adressé à Balzac et à Sue, elle s'est donc attachée à «cerner l'univers de lecture du roman sous la monarchie de Juillet».

Le point de départ est connu : longtemps tenu en lisière de la légitimité, le roman s'impose vers 1830 comme la «forme absolue, dominante, universelle» de la littérature. Il le doit à l'invention du roman-feuilleton, ainsi qu'à celle de la librairie industrielle, qui permet de publier davantage (300 titres par an), d'augmenter le tirage et d'abaisser les prix. Mais cette «rage de romans» tient aussi aux mutations des oeuvres elles-mêmes : de philosophique ou d'historique, le roman se fait réaliste, offrant à une société en pleine crise d'identité un redoutable miroir. Des rouages de «la machine sociale» mis au jour par Balzac dans la Comédie humaine à l'exploration par Sue des Mystères de Paris, des récits champêtres de Sand aux «romans de la vie réelle» du feuilletoniste Paul de Kock, c'est toute la littérature qui s'engage dans un vaste progr