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Libération
Interview

La dame de Shanghai

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Une femme au fil du temps, par la romancière chinoise Wang Anyi.
publié le 29 juin 2006 à 21h36

Fêter les vingt ans de sa maison d'édition en publiant un livre splendide, on ne peut pas dire que l'idée soit mauvaise. Philippe Picquier écrivait en 1996, résumant son catalogue : «L'Asie est assez vaste pour qu'on ne s'occupe que d'elle.» Dix ans plus tard, il s'offre un unique cadeau d'anniversaire, le Chant des regrets éternels. Vous l'emporterez cet été.

Portrait d'une ville, portrait d'une femme, le roman de Wang Anyi célèbre Shanghai à travers un personnage dont elle fait un blason. Elle s'appelle Ts'iyao. Au début, c'est magistral, elles sont toutes des Ts'iyao, «le matin, dans les tramways de Shanghai, on ne voit que des pères de Ts'iyao se rendant au travail», et tiens, «voilà des Ts'iyao qui vont toutes ensemble au cinéma voir Vivian Leigh, tête d'affiche dans Autant en emporte le vent». Wang Anyi, née en 1954, aime le cinéma. En 2004, les éditions Bleu de Chine ont publié en poche Amère jeunesse, une novela sur les tourments d'une adolescente, qui commence au Guotai, cette même salle où Ts'iyao continuera de se rendre, à la dernière séance. Les Ts'iyao n'en sont plus qu'une, la démiurge a délaissé le plan panoramique pour se concentrer sur un seul visage.

Ts'iyao a 16 ans en 1945, lorsque l'histoire commence, elle en a 57 à la fin, lorsque le monde de sa jeunesse redevient à la mode. Elle fut jolie, pas assez exceptionnelle pour devenir actrice dans un film, assez charmante pour figurer une icône rassurante, quotidienne, à la devanture des magasins et des magazine