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Libération
TRIBUNE

Une mise au pilori déplacée.

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Ceux qui fustigent Grass négligent le refoulement que provoqua chez certains l'effondrement du régime nazi.
par Hans MOMMSEN, historien allemand, spécialiste du nazisme.
publié le 21 août 2006 à 23h00

Il fut, à l'âge de 17 ans, enrôlé dans la division blindée Frundsberg de la Waffen SS. Cet aveu de Günter Grass dans son autobiographie Beim Haüten der Zwiebel («En épluchant les oignons») a déclenché un vaste débat public. Ce qu'il y a là de nouveau, ce n'est pas que l'adolescent Grass ait, sous l'influence de la propagande nazie, cru à la «victoire finale». De cela, il n'a jamais fait mystère. La polémique grandissante porte uniquement sur le fait que Grass avait, jusqu'à aujourd'hui, gardé pour lui ce détail de sa biographie.

A la fin de l'été 1944, on se trouvait dans une phase de la guerre où un ordre de mobilisation dans la Waffen SS, comme celui reçu dans un camp de travail obligatoire par quelqu'un qui avait à peine 17 ans, n'avait rien d'extraordinaire. En effet, la règle de l'adhésion volontaire, respectée dans la Waffen SS jusqu'en 1942, a été peu à peu battue en brèche et finit par être formellement abandonné en 1943. C'est ainsi qu'un nombre important de recrues de la classe d'âge 1928 furent enrôlées sans aucune formalité dans la Waffen SS. Le fait que les volontaires étaient de moins en moins nombreux, et que Himmler avait le projet de fusionner l'armée et la Waffen SS, explique cette évolution. Le tollé sur l'appartenance de Günter Grass à une troupe d'élite en cours de dissolution paraît, dans ces conditions, déplacé.

De même, on ne peut reprocher à Grass, tête brûlée adolescente, qui, a 15 ans, s'était vu refuser sa candidature pour combattre dans le