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Libération
TRIBUNE

Günter Grass : premier bilan

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La dissimulation de l'écrivain, sans dévaluer l'oeuvre, jette une ombre sur son discours politique.
par Alfred GROSSER
publié le 28 août 2006 à 23h04

L'«affaire Grass» n'est pas terminée. Les réactions continuent à être nombreuses. Soit pour vanter sa révélation de son appartenance aux Waffen-SS : ainsi Salman Rushdie ou l'archevêque Michalik, président de la Conférence épiscopale polonaise, qui déclare que l'écrivain s'est grandi par son aveu. Soit pour exprimer surprise et déception. Soit encore pour tenter d'utiliser cet aveu au service de sa propre cause. Ainsi l'historien Ernst Nolte, celui qui n'a cessé de dire que le lien entre crimes bolcheviques et crimes nazis était d'antériorité et aussi de causalité sans être de causalité tout en étant tout de même de causalité. Il déduit de l'aveu la nécessité de «se réconcilier avec l'histoire allemande, même avec ses aspects les plus terribles».

On peut tout de même établir un premier bilan. Sur les faits et leur signification. Sur le long silence et sa portée.

Un formulaire de l'armée américaine signé par Günter Grass montre que le prisonnier de guerre appartenant à la 10e division cuirassée SS Frundsberg a été libéré le 23 avril 1946. Un autre document, avec la mention «Waffen-SS», indique la date du 10 novembre 1944, sans doute celle du recrutement du jeune Grass, né le 16 octobre 1927. Avait-il vraiment été volontaire ? En tout cas, la plupart des quelque 900 000 jeunes Allemands incorporés aux Waffen-SS devaient signer un papier affirmant qu'ils étaient volontaires. Dans leur immense majorité, ils ne l'étaient pas plus que les jeunes «malgré-nous» alsaciens qui