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Libération
Critique

En accueillant les barbares

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C'est au prix d'un déni que l'on est accueilli. L'enfance d'une fille de harki.
publié le 31 août 2006 à 23h06

C'est un livre d'arrangements. Un manuel du comment faire (avec la douleur, avec «cette vie qui te terrasse», le racisme, le déracinement, etc.). Un livre sans façons, ou «à ma façon», si la métaphore culinaire n'était sexiste ou dévaluée, «à la bonne franquette» et à la difficile francité, puisque c'est le récit d'une fille de harki née en 1962, dont le père est arrêté en Algérie et emprisonné, qui arrive en France en 1967, qui se libère de la culture patriarcale, qui devient trotskiste après avoir été la «meilleure de Picardie» au certificat d'études, et dont la mère s'étiole dans le présent de la narration.

Le récit s'appelle France et deux maximes politiques peuvent servir à comprendre la France de la haine actuelle, repliée sur sa peur ombilicale. L'une page 38 : «En France, nous émergions d'un vide, d'une provenance sans généalogie et c'est au prix de ce déni que l'on devait être accueillis.» Le mot «déni» percute ici. Déni du vichysme et de la délation, déni du colonialisme et de la torture, avec lesquels s'écrit la politique en France aujourd'hui, où l'on se demande pourquoi Günter Grass n'a pas avoué plus tôt, alors qu'on a soi-même tout refoulé. Etrange. Quiconque vient d'un autre pays a pu expérimenter ce déni qu'on lui demande, au prix d'une hospitalité plutôt hostile et fantasmatique. «On pensait que vous mangiez du lion, avoueront plus tard les parents d'un camarade d'école. Du crocodile et de la girafe, même.» L'autre remarque