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Libération
Critique

Les damnés de la plume

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Bernard Lahire enquête sur un métier qui nourrit rarement son homme.
publié le 31 août 2006 à 23h06

Si l'on peut faire de la condition humaine un avatar de la littérature et, partant, une forme de sublimation artistique d'une vie, on renâcle en revanche, au moins depuis le Contre Saint-Beuve de Proust et, plus près de nous, le structuralisme, à reconnaître et étudier les liens biographiques qui unissent l'auteur à son écriture. C'est à explorer la nature de ce rapport, à le réincarner d'une certaine manière, que s'emploie Bernard Lahire dans la Condition littéraire. Ne serait-ce que pour la sûreté avec laquelle il réinvestit un thème si ancien, la fraîcheur de son actualisation, l'inventivité des instruments qu'il déploie, on aurait envie de ranger d'emblée cet ouvrage parmi les classiques. Evidemment, on ne trouvera pas ici une théorie de l'écriture, ni de l'écrivain,mais l'exposé d'une «sociologie des conditions pratiques de l'exercice de la littérature». Pour être novatrice, celle-ci ne rechigne pas à exhiber ses repères, à la fois pour marquer une forme de fidélité et passer outre, penser à la fois «contre et avec» les maîtres dont les oeuvres ne cessent de la travailler. Sur le plan théorique, la Condition littéraire prend corps dans un incessant tissage critique de la théorie des «champs» de Bourdieu et de celui de «mondes sociaux» du sociologue américain Howard S. Becker. Auteur de la Culture des individus (voir Libération du 26 février 2004) , Bernard Lahire est professeur à l'Ecole normale supérieure de Lyon.

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