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Libération
Interview

Figures implosées

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On pourrait aussi bien dire «le monde, c'est 70 % d'eau et deux milliards de Chinois, donc écrivons des vies de marins chinois».
publié le 7 septembre 2006 à 23h11

Arno Bertina (30 ans) et Pierre Senges (37 ans) font les phares de la voiture. Nous, on fait le lapin. Malgré leurs évidentes différences, ces deux-là donnent des textes sidérants, immobiles et inconstants à la fois, du genre qui se détricotent tout en se construisant. Heureux qui comme l'Ulysse de Joyce ont fait un beau voyage, et une belle topographie d'une conscience aiguisée. Il nous fallait au moins ça pour haleter, pour reprendre une bouffée de possible tandis que nombre de nouveaux romans semblent n'avoir rien de plus pressé que de rasseoir l'ordre établi. Cela se fait en évacuant la question de la réalité en art.

On suit Senges et Bertina depuis six ans, on les lit aussi dans l'indispensable revue Inculte, tête de pont (avec la Revue littéraire et feu R de Réel) des cuisines de l'avenir. On sait leurs écritures dans une recherche sportive, documentée, et comment ils jouent à piéger leurs lecteurs. Ils ne répondent pas à la demande générale de «faits» et de consensus, ne refusent pas le danger, y compris celui de déplaire souverainement. On les a réunis pour tracer une mini-théorie générale, démonter leur horlogerie personnelle, en apéritif à la dégustation de leurs trois nouveaux romans. Anima motrix (âme moteur) et une biographie de Johnny Cash pour Bertina, Sors l'assassin, entre le spectre pour Pierre Senges, un étrange soliloque autour de et avec Macbeth.

Vos fictions fonctionnent souvent comme l'aporie du menteur. A savoir