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Libération

Lecteur de Bagdad

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publié le 7 septembre 2006 à 23h12

Les rues de Bagdad offrent ces temps-ci un intéressant contrechamp à la rentrée littéraire parisienne. Ici, au bord de la Seine, est fêtée l'arrivée sur les étals de 683 nouveaux romans, ce qui nous permettra de lire une demi-douzaine de bouquins chaque jour jusqu'à la rentrée de janvier, puis rebelote. Là-bas, un autodafé : le 1er septembre, des écrivains et libraires irakiens ont brûlé des livres en pleine rue, dans une ville où tout semble inflammable. Il s'agissait, nous apprend un correspondant local de l'AFP, de protester contre l'instauration d'un couvre-feu hebdomadaire (le vendredi) qui réduit à néant les maigres reliefs de la vie intellectuelle bagdadie. Finies les déambulations devant les librairies de la rue al-Mutanabi, point de ralliement des artistes et des amateurs de littérature malgré les bombes et les rafales. On imagine que les cocktails des maisons d'édition se font rares également.

Ceux qui imaginaient la population de Bagdad scindée en deux parties asymétriques (les auteurs d'attentats-suicides d'un côté, leurs victimes de l'autre) mesurent aujourd'hui leur erreur : il y a aussi dans cette cité infernale des lecteurs, et des lecteurs si désespérés qu'ils en viennent à brûler leurs livres. A Paris, rien ne flambe. Entre la place Saint-Sulpice et la rue Jacob continue de sourdre chaque automne un fleuve d'encre au débit extravagant. Il faut goûter chaque cm3 de ce luxe inouï. Il faut même en réclamer plus ­ mille nouveaux romans pour la rentrée 2007 ! ­,