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Libération

Nuit et bouillasse

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Un long docu-fiction sur les horreurs de la guerre vues par un jeune officier SS homosexuel. Le premier roman en français du fils Littell.
publié le 7 septembre 2006 à 23h11

Le fils de l’Américain Robert Littell, as du roman d’espionnage, vient d’écrire, en français, un gros livre tissé serré sur la Seconde Guerre mondiale. Au vu de la flambée d’enthousiasme en train de se propager, nous nous sentons obligés de jeter une petite cuiller d’eau froide.

Les Bienveillantes, euphémisme pour Furies, se présente comme les mémoires d'un jeune officier SS né en 1913, entré au service de sécurité, le SD, en 1937, pour des missions d'information. L'immersion de l'auteur dans la documentation est telle qu'il restitue des pages de dialogues comme s'il y était, comme si nous y étions. Il se produit un entêtant effet de réel. Notre héros n'est pas lieutenant, capitaine, lieutenant-colonel à 30 ans, mais Obersturmführer, Hauptsturmführer, et enfin Obersturmbannführer. «J'attrapai un Scharführer par la manche : "Que se passe-t-il ?" Ñ "Je ne sais pas, Herr Obersturmführer. Je crois qu'il y a un problème avec le Standartenführer."»

Jonathan Littell invite à jouer aux soldats de plomb, mais il le fait intelligemment. L'ordre national-socialiste est décrit, la machine bureaucratique, les luttes de pouvoir sur le terrain, les intrigues d'appareil. Les vrais protagonistes sont mis en scène, Himmler, Speer, Hitler qui se fait à la fin, quand tout est devenu fou, tordre le bout du nez. Le héros est juriste de formation, de mère française et de père allemand (celui-ci disparu), très cultivé, citant Platon et Tertullien, parlant grec, lecteur de Stendhal et de