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Libération
Critique

Ombre finnoise

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Traduction d'un météore des lettres nordiques.
publié le 7 septembre 2006 à 23h11

Tout écrivain mort à vingt ans diffuse le charme et la menace d'une promesse non tenue : cette promesse est forte, puisqu'elle ne décevra plus. La scarlatine tua le Finlandais Henry Parland à 22 ans, en 1930, au moment précis où ses lectures déterminaient son oeuvre, mais ne la résumaient déjà plus. Il avait publié des nouvelles, des articles sur la littérature de son temps. En 1929, bien entamé par un noctambulisme alcoolisé, il quitte la Finlande pour la maison d'un oncle en Lituanie. Il se remet au travail, lit beaucoup : les constructivistes russes, Andreï Biely, Boris Pasternak, Proust en français. Ces lectures influencent son unique roman, Déconstructions.

Un recueil de poèmes modernistes, Idealrealisation, commence à le faire connaître. On y sent comme dans le roman la morsure nihiliste, l'accélération joyeuse dans la géométrie, la rapidité mécanique et l'à bout de souffle de ces années-là : «Hier un/tramway a/ écrasé mon chapeau./ Mon manteau/ est parti ce matin/ quelque part en promenade./ Mes chaussures/ ont cet après-midi/ été victimes d'un attentat/ ­ que je sois encore là ?/ C'est bien/ cela.» Sous le titre de Grimaces, Belfond joint ce recueil à Déconstructions, suivi de cinq nouvelles. Parland retravaillait encore son roman quand il mourut.

En Finlande, c'est un classique au statut étrange. Parland a grandi en Russie. Dans sa famille, on parle allemand et russe. Le jeune homme parle aussi le finnois. C'est pourtant sa quatrième