Elle a un drôle de caractère, la vérité. Comme ces lunatiques qui, un jour, vous adressent d'affables sourires et le lendemain, lugubres, vous regardent avec des yeux torves ou menaçants. La vérité est radieuse en effet, quand elle récompense la recherche, quand elle éclate et désintègre erreurs, préjugés, duperies ou impostures. Mais elle est aussi hideuse et odieuse, quand sûre d'elle-même elle s'impose, une et intangible, quand elle se fanatise et s'autorise à exterminer tout ce qui n'est pas sous ses couleurs ou sa juridiction. Elle est la plus belle des valeurs et celle au nom de quoi on commet toutes les horreurs. Les «guerres de vérités» sont la vérité de la guerre. C'est la raison pour laquelle, au moins du point de vue philosophique, la notion même de vérité a été peu à peu «dépotentialisée», pour laisser place à l'idée qu'existent seulement des vérités relatives, transitoires, branlantes, ou des interprétations. On n'a pas été cependant jusqu'à jeter le bébé avec l'eau du bain, car il n'est pas besoin de philosopher pour voir que renoncer totalement à l'idée de vérité équivaudrait à rendre indéterminables, douteux ou nébuleux tous les rapports, au monde, à la société, aux autres, à soi-même, et ruinerait la science, l'histoire, la politique, la justice, la morale sinon le langage lui-même. En même temps que s'enracine «la suspicion à l'égard de la notion de vérité» faisant douter par exemple que «des récits qui avaient été présentés comme exprimant la
Critique
Rien que la véracité
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par Robert Maggiori
publié le 7 septembre 2006 à 23h11
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