Paris s'était figé. La Seine elle-même semblait hésiter à couler. France 2 annonçait pour la rentrée une émission de «vrai débat culturel vivant», avec de la «critique musclée». Guillaume Durand et son nouveau rendez-vous Esprits libres allaient rentrer dans le lard du microcosme, et ça ferait mal. Le premier numéro, vendredi 8 septembre, serait consacré à la rentrée littéraire. Les bandes-annonces de la chaîne annonçaient cette révolution pour 22 h 30, les programmes télé pour 23 h 35. Pour plus de sûreté, nos deux yeux, un verre et les 14°5 d'une bouteille de beaumes-de-venise déjà largement entamée se réunirent devant le poste dès 22 h 15.
Premier constat : les programmes télé avaient raison, qui prévoyaient une longue averse de séries policières avant le geyser culturel. Il fallut patienter. Le coma survint rapidement, brutalement. Du néant aviné surgirent deux spectres : Christine Angot et Jonathan Littell. Les stars de la rentrée disputaient mollement une partie de ping-pong. A chaque échange, Angot (Rendez-Vous) apostrophait Littell (les Bienveillantes) : «Je t'ai laissé 17 messages sur ton répondeur, pourquoi t'as pas répondu ?» Plus tard, les frères Poivre d'Arvor déboulèrent en tirant des coups de pistolet dans le plafond. Mais ces pétarades venaient du téléviseur. L'intrigue policière y avait considérablement progressé. Pas au point, cependant, d'annihiler les vertus hypnotiques de ce liquide qu'on prétend issu de la vigne.