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Libération
Critique

L' amour aux trousses

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Un hymne à l'amour et à l'humour, hanté par la Shoah. Rencontre à Brooklyn avec Nicole Krauss.
publié le 14 septembre 2006 à 23h16

New York envoyée spéciale

Voilà un roman essentiellement peuplé d'êtres humains, aucun animal digne d'intérêt ne le traverse, mais on y rencontre des gestes fossiles qui datent de l'époque où les hommes parlaient avec les mains et une plante verte particulièrement disgracieuse. «Elle est à peine vivante, mais elle est vivante. Certaines parties sont desséchées, mais elle vit toujours, toujours penchée vers la gauche. Même quand je la fais tourner de sorte que la partie au soleil ne fasse plus face au soleil, elle s'entête à pencher à gauche, décide de résister au besoin physique en faveur d'un acte créatif.»

De cette plante, on peut dire deux choses : la première, comme d'ordinaire les chiens, elle ressemble étonnamment à son propriétaire, vieille, moche, presque morte, et constante dans son obstination à choisir ce qui n'est pas bon pour elle. La deuxième, c'est que cette priorité absolue donnée à l'acte créatif sur les besoins vitaux est un trait de caractère qu'on retrouve chez un certain nombre de personnages : Leo, le vieux serrurier juif, ronchon et vaguement incontinent, Zvi, l'émigré mélancolique de Buenos Aires, Martha, la veuve qui ne sera pas consolée, et même Bird, le jeune garçon qui préfère se prendre pour le Messie plutôt que d'avoir des copains de classe.

L'histoire commence en Pologne dans les années vingt, elle passe par l'Argentine des années 50, et s'installe à New York, après quelques détours en Israël et en Angleterre. Quelque part au milieu, le tro