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Libération
Critique

Les seigneurs des Annales

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Le parcours intellectuel d'une revue qui a changé la manière de faire l'Histoire.
publié le 14 septembre 2006 à 23h17

Rares sont les écoles, en histoire comme ailleurs, qui, primo, ont survécu à leurs fondateurs et, deuxièmement, y soient parvenues sans hérésies ou anathèmes. Continuant bon an mal an son chemin depuis 1929, L'Ecole des Annales, du nom de la revue éponyme Annales d'histoire économique et sociale fondée par Marc Bloch et Lucien Febvre, en est sûrement une. Cela tient probablement à la puissance des positions théoriques d'un collectif qui, par la force des choses, s'est renouvelé de génération en génération. Cela tient aussi à la singulière capacité qu'a eue l'Ecole de s'ouvrir sur ses marges ou, mieux, de maintenir ses marges ouvertes afin que l'extérieur vienne la vivifier sans cesse ­ en accompagnant ainsi le mouvement des idées qui modifiaient la discipline historique, au-delà de ce que les Annales pouvaient peut-être le souhaiter. Un tel point d'observation décentré (mais en rien marginal) fait encore la valeur de l'Ecole des Annales, l'«Histoire intellectuelle» que leur consacre André Burguière, lui-même historien, membre du comité de rédaction de la revue et directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales.

Pour comprendre la genèse des Annales, Burguière fait interagir les expériences propres de Marc Bloch et de Lucien Febvre, notamment à l'université de Strasbourg au sortir du premier conflit mondial et, plus généralement, le climat intellectuel, politique et moral de l'entre-deux guerres. L'un et l'autre sont arrivés à la conclu