On éprouve toujours un léger agacement à voir une énième commémoration du 11 septembre pointer sa cendre. Mais le froncement disparaît vite devant la beauté de cet album fantôme, assurément le plus neuf de la rentrée. Le graphisme en est dû à Laurent Cilluffo, illustrateur au New Yorker, exilé inconnu par ici puis revenant, à peine croisé au Festival de Bastia cette année mais déjà repéré. On lui pardonne donc, à cet ancien New-Yorkais, de nous montrer si bien un deuil qui a changé la vie du monde, jusque dans le lit de chacun : «Plus de 20 % des couples new-yorkais se sont séparés dans les deux mois suivants les attentats.» Le scénariste, Fabrice Colin, vient quant à lui de la fantasy mais troque élégamment sa chemise d'étoiles contre une prose tissée de minimalisme américain. Le dernier chapitre porte ainsi le titre d'une expression fétiche de Brett Easton Ellis : «Disparaître ici».
C'est l'histoire de Stanley Middle, employé moyen dans un décor de couloirs et cloisons. Il assiste à l'horreur des Twin Towers. Puis sa femme Marion le quitte, lui disant : «Nous n'avons pas voulu ça, hein... personne n'a voulu ça, tu vois, je pensais que nous étions plus forts.» Marion est l'auteur d'un roman qui vient d'être accepté par un éditeur. On apprend quelques pages après qu'elle a rendez-vous avec ce dernier le 11 septembre 2001, à la première heure. Notre sang chronologique ne fait qu'un tour, on comprend pourquoi le héros flotte depuis le début, se détac