D'où vient cette histoire ? Je venais de publier mon premier roman, j'étais devenue un écrivain professionnel, et j'étais très mal à l'aise. Je me demandais ce qu'allait devenir mon travail d'écriture, maintenant que je n'écrivais plus «dans l'idéal», mais pour un public. Je pensais que mon écriture allait être contaminée par ça, je me demandais : mais pourquoi est-ce que tu veux écrire, puisque toute joie a disparu ?
Et puis j'ai trouvé la voix de Leo Gursky, cet homme qui avait tout perdu, qui avait toujours voulu être écrivain et qui n'avait pu réaliser cette aspiration. Faire parler cet homme qui était devenu un écrivain sans lecteurs mais qui continuait à écrire parce que ça lui était nécessaire était une manière d'explorer ce que je ressentais. En fait, c'est un début très amorphe.
Au début du livre, sous la photo de vos quatre grands-parents, vous écrivez : «Pour mes grands parents qui m'ont appris le contraire de la disparition».
En aucune façon, ce livre n'est un hommage à mes grands-parents, ce n'est pas un livre sur eux, ce n'est pas autobiographique, mais il y a quelque chose de leur état d'esprit dans ces pages, et je l'avais en tête quand j'ai écrit ce roman. Tous les quatre sont juifs, tous viennent d'Europe. Ils ont dû partir à cause des nazis et commencer une nouvelle vie. Chacun d'entre eux, à sa manière, a une histoire qui est une histoire de survie. Et la survie est l'opposé de la disparition. Il ne s'agit pas seulement de vivre ou mourir : ce sont