Menu
Libération
Critique

C'est le frère à Rousseau.

Article réservé aux abonnés
Stéphane Audeguy rédige les confessions de l'aîné libertin de Jean-Jacques.
publié le 21 septembre 2006 à 23h22

Jean-Jacques Rousseau avait un frère aîné. Les Confessions l'expédie au début, en un paragraphe. Son éducation ayant été négligée, François Rousseau «prit le train du libertinage, même avant l'âge d'être un vrai libertin. [...] Je ne le voyais presque point : à peine puis-je dire avoir fait connaissance avec lui : mais je ne laissais pas de l'aimer tendrement, et il m'aimait, autant qu'un poliçon peut aimer quelque chose. [...] Enfin mon frère tourna si mal qu'il s'enfuit et disparut tout à fait. Quelque temps après on sut qu'il était en Allemagne. Il n'écrivit pas une seule fois. On n'a plus eu de ses nouvelles depuis ce temps-là, et voilà comment je suis demeuré fils unique.» Les deux derniers mots annoncent et inspirent le second roman de Stéphane Audeguy, auteur en 2005 de la Théorie des nuages. On y retrouve son enthousiasme pour un monde passé ouvert à l'aventure, une nostalgie légère et affamée de plaisir, la greffe soigneuse d'une inventivité sur une érudition : son imagination fouette sa mélancolie.

De François Rousseau, on sait peu de chose : né le 15 mars 1705, il est placé en maison de correction à 13 ans, devient apprenti horloger, ne peut exercer le métier de son père à l'issue de sa formation, fuit et disparaît. Selon Jean-Jacques, la dernière lettre de son frère à sa famille est envoyée de Fribourg en 1739. On ne sait ni où il vit, ni ce qu'il fait, ni quand il meurt. S'appuyant sur les phrases de Rousseau et sur ce vide, Stéphane Audeguy