Le vingt-neuf mai 1985, au Stade du Heysel, à Bruxelles, la Juventus de Turin remporte la finale de la Coupe d'Europe des Nations, au détriment de Liverpool,1-0, but de Michel Platini, sur penalty, à la suite d'une faute réputée imaginaire. Laurent Mauvignier qui vient de publier un gros roman articulé autour de ce match ne donne pas le score, il dit le vainqueur, au détour d'une phrase, mais pas le score, il en donne un autre: 39 morts, des supporters italiens pour la plupart, étouffés, piétinés par des supporters anglais. La partie avait commencé avec un peu de retard, forcément.
Laurent Mauvignier, même s'il ne rechigne pas à ouvrir son téléviseur quand l'équipe de France est encore en lice pour, mettons, un quart de finale, n'est pas à proprement parler un fanatique de football. Pourtant, ce jour-là, il était devant son poste. Il s'en souviendra. Mais l'idée d'en faire un livre viendra beaucoup plus tard: «Je ne sais pas pourquoi, mais après quatre ou cinq romans, je voulais passer à autre chose, voir plus grand, quand on regarde la littérature étrangère, on voit bien qu'ils ne font pas comme nous, ils se frottent au monde réel, parfois bille en tête. Le tournant fut pour moi le 11 Septembre, ce fut comme si la télé n'était plus la télé, elle nous propose toujours un monde lisse, et puis soudain surgit ce jour-là un chaos, des fractions de réel qu'elle ne contrôle pas. Le 11 septembre, je n'étais pas de taille, ce n'était pas moi, pas mon monde, aussi j'ai cherché un é