Avec ses défauts, Giacinta n'en reste pas moins un roman génial, contrairement à bien d'autres, réussis certes, mais qui ne suscitent plus ni regrets ni passions. Le fait est que le roman (tout comme son héroïne) continue à être aussi violemment intempestif qu'à sa sortie, en 1879. Aujourd'hui, c'est la facture du récit, disons ses moyens stylistiques naturalistes, qui posent quelques problèmes, alors qu'à la fin du XIXe siècle ce fut l'exposition du tragique destin amoureux deGiacinta Ñ une fillette violée à l'âge de dix ans Ñ qui déchaîna un énorme scandale. L'auteur, le Sicilien Luigi Capuana (1839-1915), a d'ailleurs lui-même vécu plus ou moins à contre-temps, sinon de manière schizophrénique. D'un côté, il a introduit le naturalisme français en Italie, qui devait trouver, sous le nom de vérisme, son accomplissement avec Giovanni Verga, un autre Sicilien. De l'autre, il était l'ennemi de toute école, rêvant d'avant-garde littéraire et même de révolution dans les lettres péninsulaires. En même temps, il fut, sur le plan social, un conservateur tenace, conforme en cela aux attentes de sa famille de grands propriétaires terriens, et changea souvent de métier : journaliste littéraire à Florence et Milan, recteur d'académie, professeur d'esthétique d'abord à l'université de Rome et ensuite à celle de Catane..
Délaissée par une mère intrigante et volage et un père faible, pour ne pas dire lâche et aveugle, Giacinta est donc violée par son unique camarade de jeu : le vale