Menu
Libération
Critique

Fêtes de Turcs

Article réservé aux abonnés
Treize portraits sensuels de jeunes Turcs à Istanbul au siècle dernier.
publié le 28 septembre 2006 à 23h27

On peut lire Jeunes Turcs comme une série de nouvelles ou comme un roman de treize chapitres, chacun désigné par le prénom d'un narrateur différent, et par un titre : «Bilal : Le singe bleu ciel», «Mustafa : Gelée de pétales de rose». Un peu comme dans le Quatuor d'Alexandrie, ce roman (qui se passe à Istanbul entre 1939 et 1959) est la somme des récits de plusieurs jeunes, ou très jeunes, narrateurs qui se connaissent, à peine ou intimement. L'Istanbul à demi-mythique du roman est peuplée d'Abkhazes, Arméniens, Azéris, Géorgiens, Karaïtes, Kurdes, Tatars et autres Tsiganes. Les héros y sont musulmans, juifs et même dönmes. Les dönmes sont les descendants des disciples de Shabtai Tsvi (un prophète juif du XVIIe qui se prenait pour le Messie) qui se sont convertis à l'islam, mais ont continué à pratiquer leurs rites en secret, un peu à la manière des marranes.

Comme le titre le laisse deviner, le roman fait aussi référence au mouvement des «jeunes-turcs», jeunes gens de toutes origines ethniques qui, au début du XXe, s'étaient constitués en élite intellectuelle et morale de l'Empire ottoman. Ce livre peut être lu comme un plaidoyer pour une définition pluriethnique-et-culturelle de la turquité, il y est question d'idéaux politiques et littéraires, qui se rejoignent dans la personne du poète Nazim Hikmet, dont un des jeunes admirateurs lit un poème. «Mais bien sûr, mon amour, évidemment/ qu'elle se promènera en saluant des mains et des bras/ ...da