Comment sont nés les personnages ?Gregorius était là le premier, pour qui les mots sont plus importants que les choses. Je ne savais pas que le personnage de Prado serait dans le même livre. J'avais écrit quelques textes, d'un niveau de style, un vocabulaire, un son, une mélodie, qui étaient comme au-dessus de moi-même. Je ne pouvais pas croire que je les avais écrits. Ainsi a été créée la fiction de Prado. Les textes qui apparaissent dans le roman lui sont attribués. Je savais, en les écrivant, que c'était l'écho de Pessoa en moi qui s'exprimait.
Il y a une autre source, très différente. L'origine est un film français des années 60, l'Armée des ombres, de Melville, sur la Résistance. Il fallait tuer Simone Signoret, car elle en savait trop, elle était dangereuse pour le réseau. Elle était d'accord. Et elle voulait que ce soit fait par Lino Ventura, son amant. J'avais 17 ans, cela a bouleversé ma conception de la morale. En sortant du cinéma, je ne savais pas que j'allais un jour écrire un roman là-dessus. Mais je savais que ce sujet allait m'accompagner.
Je suis tombé sur une photographie du jeune Anton Tchekhov. Ce portrait, ce visage, c'était Prado. Son regard était tel qu'il me permettait d'importer le thème de la Résistance dans le roman. Mais quelle Résistance, dans quel pays ? Le père de Prado, juge, continuait à travailler sous la dictature. Il ne pouvait être homme à supporter Hitler, Staline ou Franco. Mais Salazar ? C'était un intellectuel brillant.
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