Il y a longtemps qu'art et politique ont maille à partir, sans toujours faire bon ménage. Certainement depuis l'apparition des premières formes d'Etat, peut-être même depuis que l'humanité a commencé à produire du beau pour imiter voire concurrencer la nature. Si le philosophe, en l'occurrence Platon (sublime écrivain par ailleurs), veut bannir les artistes de sa République, le politique, en revanche, n'a de cesse de les mobiliser pour les besoins de la cause, alors que les artistes, par exemple les peintres, se contentent de donner à voir ce qui se présente à leur regard, les plus grands rendant visible ce qui n'est l'est pas encore autre manière de faire de la politique. De cette intrication entre pensée, politique, vision et production de mondes, Patrick Vauday donne une (sur) prenante démonstration dans la Décolonisation du tableau, un essai sur les rapports, au XIXe siècle, entre la peinture française et l'orientalisme.
Selon Edward Said, l'Orient que façonne l'orientalisme européen est un objet idéologique créé sur mesure et à mesure de l'Occident, bref une arme de la domination impériale. Vauday ne conteste pas le fond de la thèse, mais la complique (et un peu la destitue) en explorant les écarts à cette norme réalisés par des peintres aussi différents que Delacroix, Gauguin et Monet qui, en détournant le regard de la tradition académique, l'ont porté ailleurs, notamment vers un Orient à chaque fois singulier. Conservateur en politique, Eugène Delacroix est