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Libération
Critique

Humiliés et offensés

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Les inégalités engendrées par «la Société du mépris», analysées par Axel Honnett, héritier de l'Ecole de Francfort.
publié le 5 octobre 2006 à 23h33

Qu'outre des inégalités de fait, naturelles, il y ait des inégalités de droit, de ressource, de chance, de condition ou de situation, chacun le constate. Les luttes sociales font tout pour les réduire, sans réussir à les faire disparaître ni à empêcher que dans certaines conjonctures elles s'accroissent. La philosophie politique, elle, cherche à en repérer l'origine ou le mode de reproduction, et à penser une société où elles ne pourraient plus apparaître. A cet égard, la pensée de John Rawls ­ à savoir une théorie de la justice dans laquelle les inégalités socio-économiques sont acceptées à condition qu'elles produisent une compensation des avantages et aillent au plus grand bénéfice des plus désavantagés ­ représente une sorte de limite. Depuis quelques années, en effet, cette philosophie politique semble avoir changé de terrain. Son «objectif normatif», remarquait dans un article (1) le philosophe et sociologue allemand Axel Honneth, s'est en effet déplacé de l'éradication des inégalités ou de la «répartition équitable des biens» vers les questions du respect, de l'atteinte à la dignité et de la prévention du mépris, autrement dit de l'idée de «redistribution» vers l'idée de «reconnaissance».

D'une telle évolution, Axel Honneth n'est pas seulement l'observateur, mais un des principaux acteurs, puisque son oeuvre vise la reformulation d'une théorie critique de la société à partir justement de la notion de reconnaissance, fondement d