Par certains aspects, il fait penser à Machiavel. Comme le Florentin, qu'il précède de plus d'un siècle, il est philosophe et historien, il a pensé la politique et s'est mêlé de politique, il a été homme de cour, ambassadeur, conseiller des puissants, il a connu heurs et malheurs, la gloire, l'exil et un peu la prison. Mais l'un évoque les Médicis ou Savonarole le «prophète désarmé», des chanceliers et des émissaires du pape, des condottieri et des princes, quand l'autre a affaire à Tamerlan ou à Pierre le Cruel, à des cadis malikites et des muftis, des califes et des sultans.
«La maison des Banû Khaldûn tire son origine de Séville. Mes ancêtres ont émigré à Tunis vers le milieu du VIIe [XIIIe] siècle, lors de l'exode consécutif à la victoire du fils d'Alphonse, roi de Galice. Mon nom est 'Abd ar-Rahmân Ibn Muhammad Ibn Muhammad Ibn al-Hasan Ibn Muhammad Ibn Jâbir Ibn Muhammad Ibn Ibrahîm Ibn 'Abd ar-Raham Ibn Khaldûn. Je ne peux citer de ma généalogie jusqu'à Khaldûn que ces dix dernières générations. Il y en a sans doute plus, et un nombre égal a dû tomber dans l'oubli. De mes ancêtres, Khaldûn est en effet le premier qui foula la terre andalouse... Appartenant à la tribu arabe yéménite de Hadramawt, nous sommes issus de Wâ'il Ibn Hujr, chef arabe de renom, qui compta parmi les compagnons du Prophète...» Ainsi s'ouvre l'Autobiographie d'Ibn Khaldûn, une des plus longues de toute la littérature arabe. Elle ne contient rien de personnel, rien d'intime, aucune ex