New York envoyée spéciale
Le 16 juin 1986, un «Blooms-day», l'anniversaire du jour «où Joyce suit son héros Leopold Bloom, nouvel Ulysse, dans ses pérégrinations à travers Dublin», Norman Manea dépose sa demande de passeport «en vue d'un voyage dans l'Occident décadent». Il a dans sa poche une phrase qu'il connaît par coeur et qui est tirée de Portrait de l'artiste en jeune homme, de Joyce : «Je ne veux pas servir ce à quoi je ne crois plus, que cela s'appelle mon foyer, ma patrie ou mon Eglise. Je veux essayer de m'exprimer, sous quelque forme d'existence ou d'art, aussi librement et complètement que possible, en usant pour ma défense des seules armes que je m'autorise : le silence, l'exil, la ruse.» Le 16 juin 1986 n'arrive qu'au milieu du Retour du hooligan, mais, en réalité, le livre est bâti autour de ce jour-là. Il y a avant l'exil et après l'exil, ou plutôt les exils. «L'exil à cinq ans, à cause d'un dictateur et de son idéologie, s'était parachevé à cinquante, à cause d'un autre dictateur et d'une idéologie apparemment opposée. Cette sombre symétrie était pour moi un motif non de fierté mais d'irritation.» Le livre, sous-titré Une vie, n'annonce pas seulement le retour du hooligan (un mot dont le sens polymorphe illustre un siècle d'histoire de la Roumanie), il raconte une série de retours. Une fois, deux fois, trois fois, Manea revient sur la déportation de 1941, la réinstallation dans la ville natale en 1945, l