Il y a quelque chose qui cloche dans cet univers à la Disney, un pète au casque géométrique, un guingois dans la rigidité (morale et linéaire) des personnages. Notons qu'avoir des défauts n'est pas ici un reproche, mais un compliment à notre façon (être pervers est une vertu quand l'ordre se vante d'être juste). Pas de hasard, cependant, puisque Pirus (dessin) et Schlingo (texte) ont dirigé le temporaire supplément Coin Coin de Picsou Magazine en 2002. Issus de cette brève expérience, les personnages de Canetor, sa soeur Canetorine et sa fiancée Canetorette pastichent génialement la morale des publications pour la jeunesse, la font tourner à vide avant de la passer à la trappe.
Pondus en ronds et rectangles (leur bec est un pavé orange), ces canards aliénés se meuvent sans perspective dans des plans d'ensemble imitant la BD primitive, et en particulier le Little Nemo de McCay. Celui-ci est mis à contribution souventes fois dans des parodies de cauchemars horrifiques, à la fois absurdes et politiques, comme dans la double page intitulée justement «Politique», où Canetor se rêve dictateur : «Il faut aider les jeunes qui ne savent pas ce qu'est la jeunesse», déclare-t-il, avant de s'en prendre aux «sycophantes de l'esprit», aux trous dans la couche d'ozone et de chanter «une écologie» fondée sur une «économie serrée» et «un artisanat local trop souvent oublié». C'est beau comme un JT de Jean-Pierre Pernaud. Du coup, la foul