Autrefois, on devait se creuser la cervelle pour trouver les causes des inquiétudes sociales, du sentiment de solitude ou de désarroi. Aujourd'hui, c'est plus facile : «Il existe une façon très simple de se sentir seul au monde, coupé de tout, même en pleine ville, c'est d'oublier son mobile à la maison.» Chacun en a fait l'expérience : portable volé, perdu ou introuvable (au fond du sac), carte SIM bloquée, batterie épuisée, «pas de ligne» et voilà que la Terre ne tourne plus, qu'arrivent les crises d'hystérie, la panique et l'angoisse, on se trouve désorienté, stupide, annihilé, on ne peut plus appeler au secours, on ne peut plus savoir si la Juventus a gagné, s'il y a eu un attentat, si le restaurant est ouvert, s'il fera beau demain, si le CAC 40 est en baisse, on ne peut plus faire un don pour le Téléthon, ni voter pour le candidat de la Star Ac', on n'a plus d'amis, plus d'enfants, plus de parents, on a tout perdu, les lettres d'amour qu'on a envoyées, les mots secs de rupture qu'on a reçus, l'adresse du psy et de la propriétaire, le numéro de SOS Plomberie, on n'a plus rien, plus de machine à écrire, plus d'ordinateur, d'Internet, d'e-mail, d'agenda, plus de calculette, plus de radio, plus de lecteur Mp3, de dictaphone, de carte de paiement, de lampe de poche, de mémo vocal, de réveil, de chronomètre, plus de jeux (plus de Snake !), plus de caméra, plus de photos, ni de grand-mère, ni du petit, ni du chien, on est nu comme un ver.
D'austères penseurs so