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Interview

Le syndrome de l'identité vacillante

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H. M. Enzensberger explique les raisons qui l'ont poussé à écrire «le Perdant radical. Essai sur les hommes de la terreur». Entretien à Munich.
publié le 26 octobre 2006 à 23h49

Comment êtes-vous arrivé à l'idée du «perdant» ? On peut creuser une telle idée sous différents aspects, celui de l'histoire des religions, de la science politique, de la géopolitique, ou de l'économie. Il y a dans tous ces domaines de solides études. Mais ce qui m'intéressait était autre chose. Je voulais savoir ce qui se passait à l'intérieur de la tête de ces gens. Jadis, les marxistes auraient parlé de «facteur subjectif». Quand on examine un phénomène qui nous semble énigmatique, ou «exotique», on cherche à établir des ponts avec ce qui nous est proche. Or, dans nos sociétés riches, il y a des gens qui ont le sentiment d'être des perdants. Une partie d'entre eux acceptent cette situation, mais une autre partie ne s'y résigne pas et en fait un motif central de son existence. Ils sont pères de famille, ont un travail, mais se définissent principalement comme des perdants. Et cela conduit aux faits divers que l'on peut lire dans les journaux. Ils tuent leur famille et se suicident parce que leurs femmes les ont quittés ou parce que leur chef les a rabroués. La psyché du «perdant radical» est le point central, car il y a là des actions que l'on ne peut plus éclairer aussi aisément par l'analyse de classe, les statistiques et la sociologie. Il y a une forme de tabou, un interdit qui consiste à rejeter les arguments psychologiques au motif qu'ils ne sont pas objectifs.

Mais comment faites-vous le lien entre le perdant individuel qui n'a pas de motif politique et les perdants c