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Libération
Critique

Papyrus et boléro

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L'ancien flic de Padura à la recherche du temps cubain perdu.
publié le 26 octobre 2006 à 23h49

Il y a des pays où l'on brûle les livres et il y en a où on les vend pour vivre. Depuis le début des années quatre-vingt-dix et la période dite «spéciale», Cuba appartient à la seconde catégorie. De vieilles bibliothèques sans prix ont été vendues au plus rapace, au plus offrant, pour obtenir des dollars qui nourrissent ceux qui les possédaient. Voir ces mémoires s'effilocher dans la misère, étagère par étagère, est un exercice plein de mélancolie et de colère. Ce sentiment physique et moral d'extinction est décrit dans son sixième roman par Leonardo Padura, qui vit toujours dans l'île.

Mario Conde, le détective qu'il a créé dans sa tétralogie romanesque (également publiée chez Métailié), a quitté la police depuis quatorze ans. On est en 2003. Il conserve la conscience meurtrie de sa génération. Son métier lui fait honte : lui, le lecteur amoureux de l'histoire de son pays, repère des bibliothèques particulières, achetant tout ce qui peut être vendu. Un homme jeune et sans trop de conscience, son associé Yoyi, symbolique de la jeunesse populaire cubaine, se charge de les brader ­ essentiellement auprès d'étrangers ou de Cubains américains. Leonardo Padura fut un excellent journaliste : son nouveau roman n'invente rien du contexte.

Un jour, Mario Conde entre dans une demeure fatiguée du Vedado, à La Havane, et découvre une bibliothèque pleine d'incunables et de premières éditions. «Toute bibliothèque est une autobiographie», écrit Alberto Manguel dans la Bibliothèque