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Libération
Critique

Vues sur la terreur

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L’essayiste allemand Hans Magnus Enzensberger invente pour le terrorisme islamiste la figure du «perdant radical». Rencontre.
publié le 26 octobre 2006 à 23h49

Munich envoyée spéciale

Considéré comme l'un des grands intellectuels européens, Hans Magnus Enzensberger, auteur prolifique (il a publié une soixantaine d'ouvrages), n'a cessé de porter le fer dans les grands débats. L'après-guerre, l'Europe, l'immigration... aucun sujet ne lui échappe. Cette fois, il se penche sur le terrorisme. Court, son essai, qui s'assimile à un pamphlet, est une véritable provocation. Selon Enzensberger, le terroriste islamiste n'est pas différent du forcené qui massacre toute sa famille. Ses actes n'ont rien à voir avec la religion, il n'est qu'un «perdant radical». Préoccupé depuis des années par la question des origines de la violence, Hans Magnus Enzensberger esquissait déjà dans Vues sur la guerre civile (Gallimard, 1995) une typologie entre les fanatiques (nazisme, stalinisme), les guérilleros des années soixante-dix, et les terroristes modernes, autistes et sans convictions. Ici, il invente, en phénoménologue, un type universel (le perdant) dont l'application contemporaine serait le terroriste islamiste.

On peut rejeter sa thèse en estimant que ses comparaisons ne tiennent pas debout. Mais on doit lui reconnaître le mérite de renverser la problématique, en réfléchissant au terrorisme du point de vue des musulmans et non des Occidentaux. Séduisante parce qu'elle donne le sentiment d'ordonner l'incompréhensible, la thèse de Enzensberger a été vivement débattue au printemps dernier en Allemagne. Certains y ont lu le mépris du penseur occident