L'alliance du trône et de l'autel a constitué une donnée majeure de la vie politique française du XIXe au premier XXe siècle, les catholiques accordant, semble-t-il, leurs suffrages à une droite cléricale rêvant vainement d'une restauration monarchique. Ce schéma paraît, dans ses grandes lignes, valide ; encore faut-il le comprendre et le nuancer.
S'appuyant sur de riches archives, Yves Deloye souligne la profonde incompatibilité qui sépare la doxa catholique de la conception républicaine de la citoyenneté. Pour les clercs, le vote ne sert pas, en effet, à exprimer un choix politique individuel mais à satisfaire les intérêts de la chrétienté. Certes, l'Eglise accepte le suffrage universel en 1848, mais elle récuse son corollaire : le pluralisme démocratique. A cette aune, le vote, loin d'exprimer une préférence personnelle, manifeste surtout la cohésion d'un peuple en rattachant les domaines de Dieu et de la Cité. Le clergé s'autorise donc à guider ses ouailles, multipliant les pressions sur l'électorat au point de refuser les derniers sacrements aux mécréants qui votent mal. Nombre de curés s'investirent alors dans la sphère politique, tant pour servir les intérêts de l'Eglise que pour préserver la France de la déchristianisation. Cet engagement crût notamment dès la proclamation de la République, en 1870. Surtout, il évolua : jusqu'alors servante du pouvoir établi, le clergé se mua en force de contestation pour combattre un régime qu'il détestait. La foi tendit donc à se po