En 1995, dans un de ces textes limpides et précis dont il avait le secret, et qu'il avait choisi de mettre en tête du Flâneur indiscret (Julliard), Jacques Brenner était formel: «On peut affirmer qu'il n'existe aujourd'hui dans le commerce aucune édition intégrale du journal d'un écrivain contemporain.» Il était bien placé pour le savoir, ayant travaillé en 1987 à l'édition posthume du Journal de Matthieu Galey, critique et membre du comité de lecture de Grasset, leur maison commune. Coupes nombreuses, demandées par la famille ou effectuées d'office afin de ménager la susceptibilité de Maurice Druon ou de François Nourissier, relectures incessantes: l'histoire du journal de Galey figure dans le journal de Jacques Brenner, dont les voeux sont à présent exaucés.
Son journal à lui est publié intégralement, Claude Durand, PDG de Fayard, s'y engage. Il n'a procédé à aucun «découpage», seul «le respect de la vie privée» a imposé ici ou là des initiales. Mais est-ce vraiment rendre service à Jacques Brenner que de le donner à lire in extenso? Et dans une édition aussi bâclée? L'impatience de l'éditeur, soucieux de perturber l'ambiance de la remise des prix 2006 (Libération du 7 novembre) et, qui sait, d'entretenir de bonnes vieilles querelles Fayard-Grasset, l'a amené à sortir en même temps le dernier tome (1980-1993) et le premier (1940-1949). Le charme d'un journal intime est pourtant dans l'accomplissement de la durée.
Plus que par le proc