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Pour mémoire

«Je n'ai aucune part dans la colonisation mais j'appartiens à cette histoire»

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Jean-Marie Gustave Le Clezio s'inspire dans son dernier livre, Raga, du voyage de ses ancêtres bretons, fuyant la Terreur jusqu'à l'île Maurice. Fils d'un médecin blanc en Afrique, il tire de son séjour dans l'archipel de Vanuatu une réflexion sur l
Jean-Marie Gustave Le Clezio à Stockholm, le 19 février 2008. (REUTERS/Scanpix/Jessica Gow) (REUTERS)
par  Recueilli par BÉATRICE VALLAEYS  
publié le 18 novembre 2006 à 13h36
(mis à jour le 9 octobre 2008 à 15h49)

Entretien réalisé le 18 novembre 2006

Votre dernier ouvrage, Raga, n'est pas un roman, mais un récit de voyageur, écrit à la demande de l'écrivain antillais Edouard Glissant. Quand Edouard Glissant m'a suggéré un voyage à Vanuatu, j'ai aussitôt accepté. Comme si ce voyage m'avait été réservé depuis longtemps. Enfant, je rêvais d'aller aux Nouvelles-Hébrides. C'était toujours le même rêve, je voyais clairement le lieu, même si, dans mon rêve, il était plus plat, je distinguais un estuaire, des palétuviers, des pirogues qui glissaient, des gosses qui s'amusaient dans la rivière, des gens à la fois accueillants et malgré tout distants. Quand je faisais ce rêve, je savais que j'allais bien dormir, ce rêve annonçait le sommeil.

Ce rêve annonçait une bonne nuit et pourtant le début de votre livre est terrible. Une famille s'échappe d'un endroit que vous ne situez pas, pour aller dans un lieu sans guerre ni faim, un lieu où la grand-mère ne craindra plus d'être mangée. Le voyage en mer est épouvantable, l'enfant échappant par miracle à une noyade. S'agit-il d'une légende locale ?

Non. Souvent dans mes livres, je mêle des éléments de ma vie. Ma famille a connu un voyage similaire. A la Révolution française, au temps de la Terreur, elle devait fuir la Bretagne. Mon ancêtre est parti avec sa femme et un enfant très jeune. Leur voyage a dû être terrifiant, parce que, arrivés à Maurice, ils n'en sont jamais repartis, alors qu'ils prévoyaient d'aller s'inst