Menu
Libération
Critique

Laissez parler les petits papiers

Article réservé aux abonnés
publié le 23 novembre 2006 à 0h11

L'histoire et la littérature ont ceci de commun qu'elles repoussent sans cesse les limites de leur territoire, cela fait partie, désormais, de leur cahier des charges. Philippe Artières propose vingt-sept «rêves d'histoire» séduisants et concrets, comme autant de pistes ouvrant elles-mêmes sur de possibles champs de recherches. Il entre une part de jeu dans ce très sérieux quadrillage, un enthousiasme conjugué au conditionnel qui rappelle l'enfance : «Il conviendrait de faire l'inventaire des confessionnaux parisiens. On photographierait chacun d'entre selon un même procédé [...]. On mènerait, parallèlement à ce travail, des entretiens avec les usagers...» Rien de plus romanesque que les trouvailles de l'historien chineur, revendiquant le parrainage de Georges Perec : la liste des petits bouts de papier semés dans la cage d'escalier de son immeuble, la reproduction de pages de carnets où des pans de vie ont été consignés, bref, une collecte incessante d'écritures et d'objets qui le font phosphorer : «Au printemps 2005, je tombe dans une brocante au stade Charléty sur un lot de buvards usagers.» Obsédé de traces, l'historien propose d'«inventorier l'ordinaire de l'effacement», puis, plus loin, d'analyser «les procédures d'oubli». Il renverse volontiers la perspective, part des ratures pour s'intéresser aux ratages, à ceux qui ont échoué au séminaire plutôt qu'à la lignée de ceux qui ont réussi. En bon «historien élevé par des historiennes foucal