André Gill, le lecteur l'a croisé au moins une fois. Le cabaret du Lapin agile (à Gill), c'est lui qui en a dessiné l'enseigne, quant à ses milliers de caricatures on les voit encore affichées sur les boîtes des bouquinistes. Gill, c'était le dessinateur de presse par excellence, presque une institution, le pourfendeur de la bêtise bourgeoise et politique, l'ami de Jules Vallès mais aussi de toute la génération des poètes parnassiens ; il loge Rimbaud quand il arrive à Paris et participe avec lui et Verlaine au cercle Zutique. Bertrand Tillier, spécialiste de la caricature et du dessin de presse, vient de réunir sa correspondance et ses mémoires dans une édition richement annotée : visite obligatoire.
Fils d'une couturière et d'un aristocrate, André Gill est un démocrate doté d'une grande gueule qui fait de lui une légende parisienne. Elève des Beaux-Arts, il vit de petits boulots, le dessin industriel et le «portrait après décès», avant d'entrer dans l'univers de la petite presse satirique. Napoléon III a imposé un décret qui la muselle, soumettant les dessins à l'autorisation préalable du ministère de l'Intérieur. Gill collabore au Hanneton, journal des Toqués, à la Lune puis à l'Eclipse, jouant au chat et à la souris avec un régime dont il est, censuré, emprisonné, le cauchemar permanent. Le pouvoir cherchera même à le discréditer. Après la Commune (grâce à Courbet, il est nommé conservateur du musée du luxembourg), Gill ferraille contre l'ordre