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Libération

Sagesse de l'aubergine

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publié le 23 novembre 2006 à 0h11

«Eh bien, toi alors, tu riras jusqu'à la fin des temps.» Telle est la malédiction inaugurale du dernier volume de brèves anecdotes (moins d'une page) de Nasr Eddin Hodja (1). «Il s'agit bien d'un personnage légendaire, ou au mieux "légendarisé", dont la tradition s'est constamment diversifiée et enrichie au cours des siècles», dit le traducteur Jean-Louis Maunoury dans son avant-propos. Il est censé avoir vécu au XIIe siècle et «ce mythe a élu domicile dans toute une aire géographique et culturelle s'étendant de l'Asie centrale à l'Europe balkanique et à la Grèce en passant par la Perse et le Caucase, régions conquises et dominées d'abord par les Turcs seldjoukides à partir du XIIe siècle de notre ère avant de l'être par les Ottomans».

Nasr Eddin, comme le remarque encore Jean-Louis Maunoury, se montre, «dans la dérision totale de soi et des autres, encore plus bigot que les bigots, encore plus stupide que les stupides, encore plus malhonnête que les malhonnêtes, encore plus servile que les pires courtisans, encore plus obscène que les libidineux» ­ et plus sage que les sages. Dans «De justesse !», il accompagne des marchands et leurs animaux qui arrivent devant un vieux pont branlant. La caravane le passe quand même et il cède, «précipitant à l'eau hommes, bêtes et marchandises./ ­ Par Allah ! s'exclame Nasr Eddin, qui de la berge où il est prudemment resté regarde ses compagnons emportés par le courant, encore un peu et c'était une belle catas