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Libération
Critique

La femme est une sorcière

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Un essai sur la sorcellerie face à l'Etat centralisateur, révélateur de la peur du féminin.
publié le 30 novembre 2006 à 0h17

Depuis 1970, l'historiographie a sorti les procès en sorcellerie du contexte religieux auquel ils étaient cantonnés. Saluant ce renversement, Armelle Lebras-Chopard déplore aussitôt qu'il ne se soit pas accompagné d'une interrogation sur la dimension sexuée, voire sexuelle, de la répression. Si la dimension féminine, soulignée par Michelet, a été bien isolée par des chercheurs se situant dans la veine des travaux de Robert Mandrou, ils se sont contentés de ce constat, sans poser le féminin comme constitutif de la sorcellerie démoniaque apparue vers le XVe siècle, sans s'interroger sur le pic qu'elle atteint, paradoxalement, au moment de l'«humanisme triomphant».

Le Bras-Chopard inscrit les procès en sorcellerie dans le cadre de la construction de l'Etat centralisateur qui «prend pour cible principale les femmes en raison de leur puissance fantasmée» ; il peut ainsi s'édifier en mâle souverain. De fait, l'Etat affermi, les procès prennent fin. La chasse aux sorcières, alors même que sévissent conflits et guerres de religion, cesse, car elle n'est plus nécessaire. On entrevoit que ce ne sont pas les agissements des sorcières qui ont provoqué la répression, mais la nécessité de faire ces procès qui a créé les sorcières. C'est sur cette création que porte largement l'ouvrage ; l'objet est étonnant et passionnant en soi, il est aussi révélateur de l'appréhension ­ dans les deux sens du terme ­ du féminin par une société masculine. Les féministes des années MLF l'avai