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Critique

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La somme posthume de Jean-Michel Palmier sur le penseur berlinois.
par
publié le 30 novembre 2006 à 0h17

Il était une fois un Petit bossu. Spécialiste des «choses brisées», il habite «la vie déplacée», et fait peur aux enfants. Les comptines disent qu'il mange les gâteaux qu'on a préparés pour soi, et boit le vin dans nos verres, casse les pots, vole les cloches. Là où il apparaît, il n'y a plus qu'à «contempler les dégats» (1). «Il appartient à la race de la "racaille".» Il disparaîtra à la venue du Messie, «dont un grand rabbin a dit qu'il ne peut pas changer le monde, mais se contentera d'y mettre un peu d'ordre» (2). On ne sait pas si c'est tout à fait le même, mais le nain bossu joue aussi aux échecs. Caché sous la table, il guide, par un savant dispositif, la main du joueur automatique, une poupée «affublée d'un habit turc», qui, dès lors, gagne toujours. Si l'échiquier était l'histoire, et le pantin mécanique, devant la mouvoir, le matérialisme historique, le Petit bossu serait la théologie, qui, aujourd'hui, est cependant une «vieille ratatinée et mal famée».

Il était une fois un ange. On l'entrevoit dans un tableau de Paul Klee. Il a l'air de «s'éloigner de quelque chose à quoi son regard semble rester rivé. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche est ouverte et ses ailes sont déployées. [...] Son visage est tourné vers le passé». Là où on voit «une suite d'événements», il voit, lui, «une catastrophe sans modulation ni trêve, amoncelant les décombres et les projetant éternellement devant ses pieds». Il v