La bonté a une place de choix dans les romans de l'Américain Kent Haruf. Elle peut même en être le ressort principal. Mais la méchanceté, la perversité sont tout aussi radicales et pures. Le bien et le mal brillent comme des sous neufs, sous le nez de personnages qui sont comme tout le monde, affairés au jour le jour, ou confrontés au froid, à la solitude, à la mort, à la détresse. Rien de religieux, juste une passion pour la condition humaine dans ses aspects les plus humbles. Une mère célibataire trouve refuge chez deux vieux fermiers adorables. Un alcoolique se jette sur deux enfants pour les frapper tout son saoul. La violence des coups est aussi précise que la douceur des gestes. Kent Haruf est un orfèvre du mouvement.
Le vieux Raymond fait manger le bébé. Les parents des deux gosses bientôt martyrisés, munis des tickets d'alimentation de l'aide sociale, sont bien embêtés de ne pas trouver leurs céréales préférées au supermarché. Chaque scène est minutieusement décomposée, le temps qu'il faut pour que les sentiments vibrent chez le lecteur, larme à l'oeil ou sourire aux lèvres, tandis que les personnages restent impassibles.
Un garçon de 11 ans se charge de tenir le ménage de son grand-père, sa seule famille. Il fait la lessive, la cuisine, gagne un peu d'argent. L'enfant aménage une cabane avec la fille de la voisine. Des îlots de chaleur se construisent, ici et là. On ne sait jamais ce qui va se jeter dans les roues des uns et des autres, un bonheur est si vite arrivé.U