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Libération
Critique

Anna et Lou, soeurs

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La correspondance entre Anna Freud et Lou Andreas-Salomé, un document sur la constellation freudienne et Freud lui-même.
publié le 4 janvier 2007 à 5h16

Deux femmes ­ et non des moindres ­ tiennent ici la plume : Lou Andreas-Salomé, une des premières psychanalystes de l'histoire, disciple préférée de Freud, et Anna, la fille du maître, son Antigone, sa préférée elle aussi. Une génération les sépare (Anna est de trente-trois ans la cadette de Lou), ce n'est pourtant pas une relation filiale qui les unit, mais un lien sororal. Elles sont en effet «soeurs» vis-à-vis de Freud, ce dernier ayant lui-même été à l'origine de cette relation. D'où le titre de l'ouvrage, ces lettres s'ordonnant, au sens propre, «à l'ombre du père», comme en témoigne cet échange épistolaire de 1928, dans la septième année de leur correspondance, alors que Lou avait soixante-sept ans et Anna, trente-trois : «C'est comme si je rentrais à la maison chez mon père et chez ma soeur», écrit Lou ; et Anna de répondre : «Je suis si heureuse que tu me veuilles pour soeur.» LAS avait grandi à Saint-Pétersbourg dans un milieu aisé, au milieu de cinq frères qui l'entouraient tels «des chevaliers protecteurs», mais sans véritable foyer, la mort de son père, général au service du tsar alors qu'elle avait dix-huit ans, ayant inauguré pour elle une vie de voyages à travers l'Europe. Ce qui ne lui avait pas fait perdre pour autant la nostalgie d'un retour au foyer, la Russie, où elle ne revint que rarement, notamment avec Rilke, en 1900, la dernière fois avant la révolution ; sa maison de Götingen, ville étriquée où tout la rebutait ­ et où elle mour