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Critique

Miracle à la clinique Bellevue

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Quand Aby Warburg, pionnier de l'iconologie, devient le patient de Ludwig Binswanger, psychiatre et fondateur de l'analyse existentielle.
publié le 18 janvier 2007 à 5h30

18 avril. «Ce soir, 1 g de Véronal.» 24 avril. «Nuit plus calme.» 28 mai. «Ont ressurgi l'agitation et l'état d'esprit délirant qui avaient presque disparu.» 19 novembre. «Se plaint de visions terrifiantes : trois petits enfants ont été enfermés dans la salle de billard, ils n'avaient plus que la peau et les os. Croit que ces enfants ont été massacrés et ensuite dévorés par lui-même.» Ses premiers troubles graves s'étaient manifestés à la fin de la Grande Guerre. Un jour de novembre 1918, se croyant responsable de la défaite allemande, il avait menacé de se tuer et de tuer ses proches. Il arrive à la clinique Bellevue de Kreuzlingen, en Suisse, le 21 avril 1921. Il est enregistré comme un cas de Dem. [entia] Pr. [aecox], corrigé ensuite comme Schizophrénie.

Le Privatsanatorium Bellevue, sur le lac de Constance, est célèbre. Fondé en 1857, il a été démoli en 1990. Il recrutait sa clientèle dans la haute société européenne, les milieux intellectuels et artistiques. Divers patients de Freud y ont séjourné, la patiente de Joseph Breuer, Bertha Pappenheim («Anna O.»), le danseur Vaslav Nijinski, le peintre Ernst Kirchner... A son nom est lié celui de la famille Binswanger. Ludwig Binswanger, après son père Robert et son grand-père Ludwig, avant son fils Wolfgang, le dirige de 1911 à 1957. C'est lui qui accueille le professeur Warburg. Sur la fiche clinique, on lit : «Raconte qu'on va bientôt l'exécuter ; que l'oeuvre qu'il fait i