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Libération
Critique

Pas lu, pas pris

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Est-il utile de lire un livre pour en parler? Bien sûr que non, démontre Pierre Bayard. Preuves à l'appui.
publié le 18 janvier 2007 à 5h30

N'était le point d'interrogation, et si l'on ne connaissait pas l'auteur en ses oeuvres, la désinvolture du titre renverrait à un manuel, mi-bravache mi-utilitaire. Du genre : comment épater ses professeurs, élèves, maîtresses... ou briller devant ses supérieurs, subordonnés, ennemis, amis, etc., en devisant avec aisance sur des ouvrages qu'on n'a pas lus, avec le moindre effort et le maximum de résultats. Or, Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ? ne se veut en rien le dernier livre à lire (voire à ne pas lire) pour ne plus lire et vivre heureux, la non-lecture n'étant évidemment pas l'idéal de cet honnête lecteur, par goût et par profession, qu'est Pierre Bayard. Mais il y a un peu de cela, quand même, puisque Bayard, quoique professeur de littérature à l'université Paris-VIII, psychanalyste et auteur d'ouvrages de théorie littéraire, est d'un naturel plutôt joueur. Si le texte est à la fois, disons, sa matière première et son outil de travail, son malin plaisir consiste moins dans l'exhumation de ce qui a libéré l'écriture que dans l'étalage des possibles qu'elle a contrariés. Loin de le dévaloriser, cette démarche vise à rappeler le caractère inépuisable du texte, qu'aucune lecture (ou non-lecture) ne saurait entamer ­ mais, au contraire, enrichir, à condition que le lecteur ne soit pas paralysé devant lui, et sache se détacher à temps des oeuvres et de leurs auteurs.

On a beau être boulimique de la chose écrite, on n'en est pas moins destiné, fondamental