Le Dernier Monde commence au beau milieu d'un mot : «drait à l'idée de personne de dire que» (...). Le lecteur aura pour premier réflexe de se demander si un feuillet n'a pas été oublié à l'imprimerie. A l'image des personnages d'Italo Calvino dans Si par une nuit d'hiver un voyageur, frustrés de s'apercevoir que les pages de fin de chaque livre passionnément entamé ont été arrachées. Ici, c'est le début qui est tronqué. On comprend vite pourquoi. Le Dernier Monde représente le carnet du narrateur, Jaume Roiq Stevens. Un carnet n'est pas un livre, produit formaté avec un début et une fin. Il s'écrit au fil du temps, se met dans la poche, est sorti selon les besoins, peut subir des avanies imprévues. On apprendra ce qui est arrivé au journal de Stevens bien plus tard.
Cette figure formelle fait entrer dans le vif. Une station spatiale, Funsky, en orbite autour de la Terre, dans laquelle vivent une poignée de cosmonautes, dont le narrateur. Jaume Roiq Stevens est de la race des mutins. Opposé au capitaine, il refuse le rapatriement général quand l'ordre est donné à l'équipage de regagner le plancher des vaches. Tête de bois, entraîné aux situations d'urgence et de solitude, il décide de rester seul dans l'espace. De là-haut, il observe les villes, la Terre «sous mon ventre tourner sur elle-même comme un gros animal pris dans son volume, incroyablement lourde, dense, inscrite dans son unique mouvement».
La contemplation se teinte d'inquiétude au