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Libération
Critique

Entre deux zoos

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Langage des sourds, zoophilie et violence à froid.
publié le 25 janvier 2007 à 5h38

Ruppert et Mulot, c'est un dialogue de sourds, c'est l'inquiétante étrangeté à votre table, comme un long dîner dans une famille irradiée. Découverts il y a un peu plus d'un an, ces deux-là insufflent dans la BD un esprit installationniste et participatif, venu des arts plastiques et de l'envie de coller des baffes aux spectateurs. Il y a du malentendu et de la méchanceté dans leurs dégringolades de monologues joués à deux, présentés en cascade dans des cases trop hautes de plafond : «Et t'es sûr de ton coup ? ­ Mais oui, aucun problème, file-moi la caméra. ­ Et qui t'a dit que les gardiens faisaient de la zoophilie la nuit ici ?» Ainsi commence Panier de singe, dont les héros sont ceux qu'on avait rencontrés dans le précédent Safari Monseigneur. Nos deux photographes portraitistes partent cette fois au zoo documenter la sexualité des éléphants, une obsession récurrente chez eux, comme la crainte d'ailleurs d'avoir «l'air pédé».

Les personnages n'ont jamais d'yeux et leurs positions corporelles sont volontiers factices, comme s'ils étaient les marionnettes d'un jeu graphique ou d'un programme narratif dont la biaiserie ne se découvre qu'à la fin. Imaginons des silhouettes piquées dans un catalogue de VPC, découpées et collées dans des cases : elles en gardent une raideur inhumaine, font marcher le récit à la baguette. La forme détermine l'histoire, elle n'est pas à son service. Peut-être vont-ils se mettre à chanter «We are the robots». Ils