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Libération
Critique

Lézard vivant

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Deux mangakas dérangés chez un éditeur décadent.
publié le 25 janvier 2007 à 5h38

Il y a comme un lézard. Et en plus, il est tout noir. On le retrouve à la page 82 du premier tome de Vampyre de Suehiro Maruo, mais ce n'est pas exactement le même. Le reptile dont la maison le Lézard Noir tient son nom vient d'un roman d'Edogawa Ranpo, l'Edgar Allan Poe (prononcé à la nippone) des années folles. Ce Lézard, donc, c'est Stéphane Duval et Emmanuelle Lavoix, deux éditeurs qui ont su imposer en quelques années leurs choix décadents et tranchants dans le milieu manga, un peu à la façon dont Laurence Viallet sème ses «Désordres» dans la littérature en publiant Delany ou Shozo Numa.

Dans la cuvée récente du Lézard Noir, la frêle Akino Kondoh, née en 1980, artiste plasticienne, se distingue par la rhétorique de ses narrations, fondée sur le «quoique...» avec retournement de vide en dernière minute. Eiko multiplie les collégiennes narcoleptiques aux quatre coins de ses planches (cela évoque un peu les désormais classiques 676 apparitions de Killoffer). L'une d'elle, Yôko, ne se réveille en général qu'à la quatrième heure de cours, «et à cette heure-là, un brouillard rose recouvre le sol» de la salle de classe. Elle s'épile ensuite les poils des bras, activité inutile, «puisque les poils, ça repousse». Peu après, la classe est envahie d'ectoplasmes, puis de têtards, quelques oeufs poussent sous la peau de l'héroïne, tandis qu'elle s'obsède de sa copine Eiko. Les différentes histoires (publiées entre 1998 et 2002) grouillent d'insectes