Menu
Libération
Critique

Dans la gueule de l'oeuvre

Article réservé aux abonnés
Le héros décrépit de Paul Auster est-il prisonnier dans le manuscrit de son auteur?
publié le 15 février 2007 à 6h03

Après les aimables Brooklyn Follies, Paul Auster revient aux mises en abyme angoissées. Sans forcément émouvoir, peut-être sans viser autre chose qu'un artisanat sans défaut, il enferme un vieux monsieur dans une chambre. Un appareillage sophistiqué enregistre son comportement et sa voix, c'est à partir de ce matériel que travaille l'invisible narrateur : il n'a pas d'état d'âme, il rend compte. Et, tout de suite, l'incroyable agilité du romancier met la scène en mouvement, allège le procédé, donne un nom à ce Mr. Blank dont la forme vide se remplit à l'instant sous nos yeux.

Une chambre, donc, meublée de manière élémentaire, un bureau, un fauteuil à roulettes, un lit. Il faut bien une porte pour laisser entrer et sortir les protagonistes, mais Mr. Blank ignore si cette porte est ouverte ou fermée, de même que le placard est difficile à localiser. La fenêtre, verrouillée, lui est interdite. Il se trouve peu ou prou dans la même situation que le prisonnier dont il est question dans le manuscrit posé sur son bureau. Un manuscrit signé John Trause, anagramme d'Auster et personnage d'écrivain dans un précédent roman, la Nuit de l'oracle.

Non seulement Mr. Blank, lorsqu'il ferme les yeux, est assailli par des «créatures», des «êtres fantomatiques», mais sa vie quotidienne est peuplée de gens et de noms qui proviennent des livres de Paul Auster. C'est facile : si l'infirmière Anna et l'avocat Daniel Quinn (qu'on a connu détective) sont secourables, la rai