Menu
Libération
Critique

Lefort, temps forts

Article réservé aux abonnés
De la critique du totalitarisme à la démocratie, la pensée de Claude Lefort sur le pouvoir n'a jamais cessé d'être en prise avec l'événement.
publié le 15 février 2007 à 6h03

Il y a quelque chose de rimbaldien chez Claude Lefort, d'emporté, d'outré même, dans son refus de n'envisager la politique que sous l'angle du politique, de ses fondements donc, et non pas de sa pratique au jour le jour, peut-être parce que, en sa jeunesse révolutionnaire, il a failli y perdre l'âme et le corps. Sauf que la véhémence de la philosophie politique de Lefort ­ pour être d'une grande sophistication ­ n'a rien de théorique, au sens précis qu'elle s'est voulue militante, guerrière d'une certaine manière, comme si, de son passage dans le petit parti révolutionnaire trotskiste, dans les années 1943-47, il pouvait désavouer tout, hors l'engagement, cette conviction forte qui fait que les idées sont de ce monde et peuvent le changer. D'où une pensée en prise permanente avec l'événement, pour le mettre en scène (le talent de l'écrivain est grand) et donner un sens à l'irruption du nouveau, de l'inédit, en ce qu'il peut receler de périls ou d'atouts pour la société, car si elle a un passé, bref une histoire, c'est au présent qu'il revient de décider de son avenir. De cette passion du présent témoigne superbement, alors que Claude Lefort va sur ses 83 ans, le Temps présent, un recueil d'articles allant de 1945 à 2005, principalement publiés dans des revues. Juste introduits par Claude Mouchard, sans aucune intervention a posteriori, tous les centres d'intérêts du philosophe émergent ici, tels des îlots de pensée à l'état naissant qui finissent par for