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Libération
Critique

Little Grossman

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Grâceà l'historien Anthony Beevor, publication des carnets de guerre qui servirent de matrice à «Vie et Destin».
publié le 15 février 2007 à 6h03

C'est la guerre à ras de terre. Un mélange d'horreur et d'absurde, de routine et d'héroïsme, décrit dans une langue sans fioriture. «L'odeur habituelle de la ligne de front : quelque chose entre morgue et forge», note Vassili Grossman dans un de ses carnets de Stalingrad assiégée. Il se fait parfois plus philosophe : «La guerre est un art où s'accordent des éléments de calcul, de science glacée et d'expérience intelligente avec l'inspiration, le hasard et quelque chose de parfaitement irrationnel.» D'abord réformé pour raisons de santé alors qu'il s'était porté volontaire dès le début de l'invasion nazie, cet écrivain juif binoclard et rondouillard a finalement réussi à convaincre le rédacteur en chef de Krasnaïa Zvezda (l'Etoile rouge), le quotidien de l'armée rouge, de l'accréditer comme reporter. Ses chroniques le rendirent rapidement très populaire aussi bien parmi les «frontoviki» (ceux du front) qu'à l'arrière. A la différence de nombre de ses collègues, il reste en effet en première ligne. Il parle avec les soldats et il raconte ce qu'il voit, même si souvent la censure caviarde ou rajoute quelques déclarations patriotiques à la gloire de Staline. Il est à Stalingrad et ensuite de toutes les grandes batailles. Il suivra l'armée rouge jusqu'à Berlin. Il évoque «l'opposition muette entre le peuple victorieux et l'Etat victorieux», car, pour lui comme pour nombre des combattants, il y avait l'espoir qu'après la guerre le régime changera