Delhi envoyée spéciale
La première fois qu'il est venu à Paris, le premier soir, il était très ivre, très seul et totalement égaré. Il est entré dans une cabine téléphonique et a appelé Calcutta. «Maman, je suis perdu.» Une mère bengalie, dit-il, ça ressemble assez à une mère juive, ou italienne. «Ne t'en fais pas, je vais te guider», a répondu maman. Elle a cherché un plan de Paris et n'en a pas trouvé chez elle, ce qui n'est pas vraiment surprenant. Ce qui l'est plus, c'est qu'elle en a dégotté un dans la librairie du grand-père. Un plan du XVIIIe siècle, «mais ça n'a pas dû tellement changer. Ecoute, je pense que tu es dans une île, mon chéri». Du fin fond du Bengale, maman a expliqué comment aller de l'île Saint-Louis à Montparnasse. C'est de là que vient le personnage de cartographe psychique dans Calcutta, explique-t-il, mais nous y reviendrons. Quelques séjours parisiens plus tard, Sarnath Banerjee est devenu un hyperspécialiste de la géographie locale. Dans le café de Delhi où il prend son petit déjeuner, il fait un numéro éblouissant de cartographe psychique. «Vous travaillez où à Paris ? République ? Alors, imaginez, si je suis ce type, je ne suis jamais allé à Paris, mais je vous dis : vous prenez la rue Beaurepaire, le canal Saint-Martin, la rue Jean-Pierre-Timbaud, vous passez devant la librairie Thé-Troc...»
Il est 11.30. On est donc au Café Turtle, un café-librairie, rendez-vous des bobos de Delhi. Plongé dans son cappuccino, i