Les intermittences de la langue valent bien celles du coeur. Elles débordent ceux qui prétendent les contrôler. Marchant de jardin parisien en jardin parisien, comme des esprits en bas et perruques au siècle des Lumières, l'écrivain Michel Braudeau et le linguiste Pierre Encrevé devisent sur l'évolution, les fluctuations et l'avenir du français. Ils se connaissent, se tutoient. C'est le second qui parle.
Le ton est d'une ironie optimiste et unie ; les citations, précises ; la chasse aux préjugés, ouverte. Les promenades ont surtout eu lieu sur la page : on n'imagine pas qu'Encrevé ait pu marcher en ville avec autant de livres à citer, à moins qu'il ne dispose, comme les derniers vitriers, de bons muscles et d'une petite carriole. Son message est clair : «Maintenir obstinément la distinction entre langue et parole, entre usages étatiques et usages privés, et, avant tout, entre imposer et proposer.» En résumé, souplesse et liberté.
Les beaux principes qui les limitent sont pavés de bonnes intentions. Un exemple : en acceptant que leurs films soient doublés partout, les Etats-Unis ont paradoxalement répandu leur langue ; le doublage fut leur cheval de Troie. En refusant que les nôtres le soient, nous aurions, en prétendant l'imposer, limité l'expansion du français : trop rigide pour se faire encore désirer. Mais son cinéma l'était-il encore ? C'est une autre question. Le français n'a pourtant pas à regretter son neuvième rang sur la planète. Il est parlé par 180 millions d